Dernière modification le 5 juin 2018 par jeff

Vous êtes parents d’un ou plusieurs adolescents et par moments vous vous sentez débordé : les accès de colère, les comportements « borderline » vous donnent parfois un sentiment  d’impuissance. Sans compter une surveillance étroite des résultats scolaires et des sorties. Autant de sujets qui peuvent déclencher des conflits.

Et quand vous rentrez après une longue journée de travail, où votre énergie est forcément plus basse, où vous aspirez à vous détendre, à vous reposer, la perspective de devoir gérer votre enfant ou vos enfants adolescents vous donne envie de capituler.

Mais voilà que votre instinct de parent vous rappelle à l’ordre et vous passez la soirée à faire le méchant, à répéter les nièmes consignes, à menacer, et au final à vous mettre en colère.

Ce n’est peut-être pas ainsi tous les jours, mais avouez que ces moments vous fatiguent. N’y aurait-il pas une recette miracle pour calmer ces ados, pour les ramener à un peu plus de raison ? Vous avez peut-être lu beaucoup de conseils dans des livres, dans des articles de magazines.

[ Article de Jean-François MICHEL, auteur des 7 profils d’apprentissage, Éditions Eyrolles 2005 et 2013 ]

Ces conseils sont en général très bons. Le seul « hic » est de taille : c’est leur application. Car vous aspirez à quelque chose de simple, facile à mettre en place. Au final il vous reste à l’esprit plus ou moins deux choses : être « dur » ou capituler et laisser faire. Tout dépend de votre personnalité. Si vous êtes pour la modération, il se peut que vous tentiez un mixte des deux.  Dans tous les cas, ce n’est pas la meilleure des stratégies. Vous passerez soit pour un « sans cœur », un dictateur ou au pire pour un gentil parent, trop « cool » mais qui ne se fera pas respecter et plus tard vos enfants vous le reprocheront. L’attitude mixte présente le risque de l’inconstance, le cadre est flou.

Comment faire ? C’est vrai qu’il n’y a pas de formation pour parents qui vous font prendre conscience des erreurs à éviter (et que vous commettez inévitablement) et des bonnes pratiques à mettre en place.

Cet article ne prétend pas non plus s’y substituer. Mais j’ai une bonne nouvelle : avec quelques principes simples, que nous allons voir dans cet article, il est tout à fait possible de gérer, avec un minimum d’énergie, un enfant adolescent. Mais suit la mauvaise nouvelle : vous n’allez pas y arriver en vous contentant de lire simplement cet article. Ici il s’agit d’application. Lisez, reliez 2 fois, 10 fois en vous focalisant sur l’application. Je vous donne ici quelques exercices qui peuvent paraître simples, mais qui resteront inutiles si vous ne vous faites pas (un peu) violence pour les appliquer.

Je ne prétends pas, dans ces quelques lignes, résoudre tous les problèmes que vous pouvez rencontrer. Simplement vous donner des indications utiles et surtout vous signaler les erreurs à éviter.

Principe n° 1 Prendre du recul, ne pas prendre les choses de façon personnelle

La meilleure façon de gérer votre adolescent c’est avant tout de prendre du recul, de ne pas prendre les choses de façon personnelle. Vous connaissez le livre « les quatre accords toltèques » ? Si ce n’est pas le cas je vous recommande vivement sa lecture. Il s’agit là d’un des 4 accords ou principes (pour faire simple) énoncés dans le livre.

Pour résumé, il s’agit de rester « zen », de ne pas prendre le comportement, les propos vexants de votre adolescent du genre « tu n’es plus mon père, ma mère, je ne veux plus vous voir, je te déteste etc. » de façon personnelle. C’est une rengaine que vous connaissez certainement. Dans ces cas-là il faut apprendre à faire preuve d’un certain stoïcisme en sachant que les paroles n’ont rien à voir avec vous. Votre adolescent a besoin d’exprimer, d’extérioriser sa frustration, sa colère.

Ça c’est le principe, la théorie. Mais au prochain conflit, vous réagirez toujours de la même façon. C’est quasiment automatique. Normal, on ne peut pas se défaire d’une habitude si facilement. Et même vous pourrez vous dire à vous-même « je ne dois pas le prendre de façon personnelle », vous n’y arriverez pas. Comment faire ?

Pour acquérir cette nouvelle habitude de ne pas prendre les choses de façon personnelle, de rester « zen » et détaché, vous devez changer avant tout votre de vue, vous devez changer votre façon de voir la situation. Comment ? En comprenant objectivement  ce qui se passe. Cela à deux niveaux :

1er niveau – D’abord comprendre ce qu’est l’adolescence. L’erreur est de croire qu’on comprend bien ce que vivent nos enfants car on a été nous-mêmes adolescent. Pourquoi est-ce une erreur ? Parce que l’on a eu une vision déformée et incomplète de cette période de l’adolescence que l’on a vécue. Nous avons grandi, nous avons gagné en maturité. Autant de prismes qui ne permettent plus d’apprécier la réalité avec justesse. Et puis il y a l’oubli.

L’adolescence  est une période où le cerveau évolue à vitesse grand V. Cela veut dire que le comportement de votre enfant aujourd’hui ne sera pas le même comportement dans un an dans deux ans. Dans son cerveau certaines connexions neuronales ne sont pas encore faites, ne sont pas encore établies et auront besoin de se construire pour pouvoir avoir un comportement dit cohérent et responsable.

C’est d’ailleurs pour cela que chez les adolescents violents, la plupart n’ont pas conscience de leurs actes, ne reviennent pas sur leurs méfaits et sont incapables de ressentir de l’empathie pour leur victime. Bien entendu, cette évolution cérébrale agrémentée d’un vaste flot d’hormones n’est pas une excuse, loin de là, mais une réalité que tout parent doit comprendre.

2ème niveau Vous devez connaître la façon dont votre enfant adolescent fonctionne à savoir : comment il communique, qu’est-ce qui le motive à l’école ? En résumé, c’est comprendre son profil d’apprentissage. Car apprendre c’est avant tout savoir communiquer avec soi-même et avec les autres.

En comprenant ces deux points, vous avez une vision de la situation qui reste disons « positive ». Je n’aime pas trop ce terme de « positif » car il est tellement galvaudé, tellement utilisé à toutes les sauces, qu’il en perd tout son sens. En tout cas vous devez avoir une vision qui vous aide, une vision qui vous donne de l’énergie. Notez ces quelques lignes, documentez-vous sur l’adolescence. Essayez de comprendre. Lisez et relisez ce que vous avez appris pour nourrir cette nouvelle vision.

À force, vous créez une habitude. Et cette habitude vous permettra quasi automatiquement à prendre du recul, à relativiser. Vous n’y arriverez certainement pas du premier coup. Soyez patient et persévérez. Évitez le piège de vouloir des résultats immédiats sans effort.

Voici un truc qui va vous aider : à chaque incident avec votre enfant adolescent, notez sur un cahier ce que vous ressentez. Si vous ressentez toujours cette colère, cette frustration, c’est ok. Notez ensuite l’intensité sur une échelle de 0 à 10. Est-ce que l’émotion devient moins forte ? Si oui, marquez-le. C’est une petite victoire qui vous aide à persévérer.

C’est ainsi que vous avancez, que vous progressez pour arriver à relativiser beaucoup plus facilement et au final, à ne pas prendre les choses de façon personnelle.

Ne pas prendre les choses de façon personnelle n’est pas une fin en soi. L’objectif est votre état d’esprit : en restant calme (et non pas faire semblant d’être calme où toutes les émotions sont intériorisées) en l’absence d’émotions négatives, vous êtes à même de prendre les bonnes décisions face aux questions du genre «  faut-il élever la voix ? Faut-il sanctionner ? Faut-il laisser passer cela ? Est-ce que la transgression est grave ou mineure ? » Un bon état d’esprit, c’est-à-dire un état de calme, de tranquillité, vous permet une action mesurée et juste.

Principe n° 2 Savoir fixer les bonnes règles à votre adolescent

C’est un principe qui n’est pas des plus faciles.  On se pose toujours la question « suis-je trop sévère ? » ou « suis-je trop laxiste ?»

La première erreur est de fixer un trop grand nombre de règles qui, en fonction de votre fatigue, de votre humeur, verront une application plus ou moins stricte, ce qui est très dommageable. Pourquoi ? Tout simplement parce que l’adolescent n’aura pas vraiment de repère, ne saura pas vraiment ce qui est autorisé. Il va se poser la question de la légitimité des règles et pourquoi un jour vous êtes stricte et le lendemain vous êtes beaucoup plus « relax ».  Vos règles auront un goût amer d’injustice puisque leur respect sera perçu comme dépendante de votre humeur.

La solution est toute simple : se fixer que quelques règles, un  maximum de 4 ou 5 mais  des règles extrêmement importantes. Par exemple, ça peut être de rentrer à 22h maximum durant une fête,  d’interdire les écrans à partir de 20h ou d’aller se coucher à partir de 21h grand maximum.

Déterminer ces 4 ou 5 règles ne se fait pas au hasard. Vous devez pour cela faire une hiérarchie de vos règles. Prenez un cahier et écrivez les règles que vous souhaitez que votre enfant respecte. Vous devez en avoir certainement une bonne dizaine. Ensuite notez en quoi ces règles sont importantes. Notez les effets nocifs si elles sont transgressées. Note en quoi elles sont importantes. Vous vous rendrez compte que pour beaucoup d’entre elles, leur utilité est mineure. Ensuite faite une hiérarchie pour classer les 4 / 5 règles les plus importantes.

Ces quelques règles sont sacrées et leur application doit être stricte. Le fait qu’elles soient peu nombreuses mais utiles vous aidera à les appliquer et à vous y tenir. Ne vous laissez pars perturber par le conflit. Tenez bon ! À un moment, chez votre enfant, le respect sera automatique. Vous n’aurez même plus besoin d’intervenir.

La deuxième erreur est de vouloir imposer ces règles sous prétexte que de l’autorité parentale. Souvent c’est une petite histoire d’ego. Évitez l’économie d’une longue explication. Ces règles doivent être comprises. Soyez pédagogue en vous appuyant sur des exemples concrets. Cela saura d’autant plus facile que vous avez travaillé en amont sur leur importance et les avez hiérarchisées.

Par exemple sur l’interdiction des écrans à partir de 20h. Expliquez à votre enfant que la lumière bleue excite certaines régions du cerveau et dérègle la notion du temps (le cerveau se croit toujours en milieu de journée).  Ainsi le sommeil s’en trouve perturbé. Il devient plus court et avec cela la fatigue. Le nombre de cycles dans le sommeil diminue et avec cela les performances intellectuelles. Utilisez des chiffres que vous pouvez trouver dans certaines études disponibles sur internet, comme sur le site de l’inserm. https://www.inserm.fr/

Je suis d’accord, cela demande un peu de temps de préparation pour argumenter. Mais vous ne pouvez pas passer à travers. Rien ne se fait sans effort, c’est bien connu. Le temps que vous pensez perdre dans cette préparation, vous le gagnez dans votre communication et dans l’énergie que vous ne dépenserez plus à reprendre x fois votre enfant.

La troisième erreur est de se contenter d’un « oui » verbale, d’un acquiescement tiède. Les déclarations verbales n’ont pas autant de valeur et d’engagement qu’un document visible et clair. Votre adolescent doit véritablement s’engager. Comment ? Par un engagement écrit.

Sans passer pour un affreux apprenti avocat, ou un procédurier tordu, voici une la bonne façon de s’y prendre.

Expliquez à votre adolescent que votre intention est d’être clair, d’éviter tout malentendu. Pour cela ces règles seront écrites et bien visibles : affichées sur le frigo par exemple. Tâchez de le faire valider par votre enfant  lui faisant écrire « je suis d’accord » avec la date. Comme contrat, car c’est un contrat. « C’est aller un peu loin » me direz-vous. Balayez cette vision. Pensez aux avantages : à chaque transgression,  il n’y aura plus de contestation possible, plus de conflit.  C’est autant d’énergie économisée et de temps au combien précieux.

Principe 3 : Aimer votre ado de façon inconditionnel

Cela va de soi, vous me diriez ! Là encore c’est un principe. Facile à dire. Le mettre en application quand votre ado vous fait une crise, c’est toujours une autre histoire.

Déjà entendons-nous sur la définition : aimer de façon inconditionnelle cela ne veut pas dire se laisser marcher sur les pieds. C’est avant tout se faire respecter sans émotion négative sans en vouloir à votre ado. C’est aussi accepter de ne pas être parfait. Vous faites ce que vous pouvez tout en faisant preuve de bienveillance.

Pour cela il faut faire petit un travail sur soi-même qu’aucun parent n’échappe : accepter de ne pas être gentil, accepter d’avoir le mauvais rôle : celui d’être méchant ou considéré comme tel. Aïe ! Ce n’est pas évident si vous êtes plutôt un parent tendance sympa. Vous connaissez : « qui aime bien châtie bien ».

Voici 2 astuces :

1. dites-vous que vous n’avez pas à faire le méchant ou la méchante, mais faire respecter certaines règles pour le bien de votre enfant. Cela s’appelle tout simplement l’éducation.

Donc appuyez-vous sur les règles pour mettre la limite. D’où l’importance du processus de mise en place des règles, vu précédemment.

2. visualisez votre enfant à 25 ans 30 ans. Imaginez-le discuter avec des amis. Vous l’écoutez parler. Entendez lui dire à haute voix « heureusement que mes parents (mon père, ma mère) étaient comme ceci, comme cela. Grâce à eux, j’ai pu éviter de devenir ceci ou cela». C’est un principe usuel de visualisation chez les sportifs de haut niveau, qui vous permet, quasi automatiquement, de rappeler cette réalité à votre cerveau. Répétez cet exercice de visualisation quotidiennement idéalement. Pratiquez-le jusqu’à ce que cela devienne une évidence.

D’ailleurs, combien de fois on entend « heureusement que mes parents m’ont donné des cours de … Ce n’était pas marrant, mais ils avaient raison et aujourd’hui je sais faire … »

Principe 4 : les conseils ne sont jamais écoutés … sauf s’ils sont demandés

Soyez disponible mais évitez de donner des conseils qui ne sont pas demandés. Pourquoi ? Car autrement vous serez en position de donneur de leçons. Rien n’est plus désagréable pour votre ado qui s’empressera de faire peu de cas de ce que vous lui dites, de ce que vous pouvez lui conseiller.

Vous me direz « mais il va dans le mur, il faut bien l’avertir, il faut bien réagir ! » Je vais vous choquer : à condition qu’il n’y ait pas de danger pour sa santé, laissez-le aller dans le mur.  Veillez à ce qu’il ne se fasse pas mal.

Je sais (je suis également parent), rien n’est plus difficile que de rester spectateur d’un plantage de l’être que l’on aime le plus : son enfant. Sachez que par moments l’échec est la meilleure éducation. C’est vrai, il faut prendre sur soi.

Ce qui paraît évident pour vous, ne l’est pas forcément pour votre enfant adolescent. Et se « planter » est la meilleure façon d’apprendre des échecs sans trop de conséquences. Et puis, sachez que l’on ne peut pas apprendre sans échec. L’échec est ce qu’il y a de plus formateur.

Quelle posture adopter ? Restez disponible pour pouvoir parler avec votre enfant. Car il aura besoin de vous. Non pas pour lui donner ce qu’il n’arrive pas à obtenir par lui-même, mais pour l’écouter vider son sac. Il aura besoin d’extérioriser sa frustration, il aura besoin de quelqu’un à qui parler. Et la meilleure personne doit être vous.

Restez à l’écoute. Moins vous en dite, mieux cela vaut.

Faites attention de ne pas le surprotéger. Un adolescent a besoin de s’affirmer, c’est un moment où il construit sa personnalité. Donc il teste, il se construit, il transgresse des interdits.  C’est normal, cela fait partie de sa construction de futur adulte. Restez simplement vigilant sur les règles importantes que vous avez fixées, mais soyez plus souple sur le reste. Dépensez un minimum d’énergie.

Principe  5 : chagrin d’amour, respecter sa peine

 

Les chagrins d’amour sont inévitables. Là aussi ça fait partie de son éducation. L’erreur la plus commune est de vouloir projeter sa propre histoire. Pourquoi ? Car les époques sont très différentes, notamment à l’heure des réseaux sociaux et du numérique. Votre histoire et celle de votre enfant ne sont pas du tout les mêmes.Adoptez la même posture que dans le principe 5 : respectez sa peine, soyez à l’écoute. Là aussi, abstenez-vous de donner des conseils, surtout si votre enfant ne vous le demande pas. C’est une période parfois douloureuse mais qui fait partie de son apprentissage.

 
 

L’avis de Cécile (du blog http://www.ciloubidouille.com/), maman de 4 enfants (2 filles et 2 garçons)

Avec un adolescent, un enfant, un adulte, quand quelque chose se passe mal, la première chose que je fais c’est d’attendre que l’humeur soit passée. Difficile de discuter quand on est énervé. Ensuite, je reviens et demande des explications, justifie les miennes. Ça ne règle pas tout, on peut même ne jamais être d’accord mais l’échange sur le sujet est de meilleure qualité. Souvent, on peut s’appuyer sur ces discussions pour les crises suivantes.

Il m’arrive parfois aussi de demander à ce qu’on inverse les rôles. Quand mes enfants me reprochent mon comportement, je leur demande ce qu’ils estimeraient bon de faire s’ils étaient à ma place. Je peux à mon tour devenir l’ado qui critique pendant qu’ils cherchent des solutions. Ils se rendent compte que tout n’est pas si simple.
Je sais que l’autorité parentale est une notion forte de l’éducation actuelle. On se doit de posséder un NON clair et ferme. Moi, j’opte ben plus souvent pour la confiance. Je dis OUI dans l’immense majorité des cas, j’explique que j’accède à leur demande parce que j’ai confiance dans leurs décisions. Dans l’ensemble, on s’y retrouve tous. Eux sont plus enclins à communiquer sur leurs actions et moi je peux leur laisser la liberté qu’ils désirent en conscience.

 
 
 

Pour en savoir plus, voici l’interview de MICHEL FIZE

 

 

[ Michel Fize, sociologue, est chercheur au CNRS. Auteur d’une vingtaine d’ouvrages, consacrés notamment à l’adolescence et à la famille, il a été l’un des animateurs de la Consultation nationale des Jeunes, lancée par Edouard Balladur en 1994, et membre du cabinet de Marie-George Buffet, ministre de la Jeunesse et des Sports, de 1997 à 1998. Grand spécialiste de la famille et de la jeunesse, il est régulièrement sollicité par les médias.]

 

On dit que l’adolescence et un passage difficile. Qu’en pensez-vous ?

C’est absolument faux. C’est une idée reçue et cela ne correspond à aucune réalité. On confond souvent l’adolescence et puberté : le trop-plein d’hormones déstabilise l’individu au point de générer des comportements violents ou des comportements inappropriés. C’est une épreuve délicate à surmonter pour l’enfant. Encore une fois, le comportement soi-disant déviant ou « borderline » de l’adolescence n’est pas fondé scientifiquement. Je dirais même qu’il n’y a pas le moindre commencement de preuve. Cela n’exclut pas que quelques familles aient des difficultés, mais ces difficultés sont d’ordre relationnel.

Mais il ne s’agit pas de crise à proprement parler. Á ce moment-là il suffit de sortir la boîte à outils pour une meilleure communication et une meilleure relation. L’adolescent ou le jeune enfant devient une personne qui aspire à devenir une personne. Et les parents doivent respecter ce besoin, doivent respecter cette attente s’ils veulent développer une bonne relation avec leurs enfants.

On parle de passage difficile parce que le taux de suicide chez les adolescents est relativement élevé qu’en pensez-vous ?

Alors là non plus, ce n’est pas la réalité. Quand on regarde toutes les pathologies possibles à l’adolescence, parce que bien évidemment comme il y a des enfants malades et des adultes malades il y a aussi des adolescents souffrant de pathologies. Bref quand on fait le total que l’on additionne le suicide, l’anorexie, la dépression, on obtient entre 10% et 15% de personnes concernées. Cela veut dire que dans plus de trois quarts des cas soit à peu près 90 % des individus on n’a pas ce genre de troubles chez les adolescents. En clair, la très grande majorité des adolescents se portent bien. Mais il n’est vrai que quelques-uns, lié à un contexte particulier, comme telle ou telle pathologie a des problèmes dont le suicide fait partie.

Est-ce qu’un adolescent dit « turbulent » peut devenir un adulte mature, un adulte calme et paisible et qu’il restera de façon durable.

Il y a aucun lien entre une situation à un moment donné et à une situation à autre moment parce que’entre ces deux dates les conditions de vie changent, l’état d’esprit change. Regardez Alain Delon qui est était un jeune adolescent très turbulent qui a fait quand même quelques bêtises. Il est malgré tout devenu une grande star internationale que l’on connaît tous. C’est aussi la rencontre d’un certain talent qui se manifeste avec des circonstances favorables qui permettent à ce talent de se révéler. Alain Delon a eu cette chance d’avoir eu un talent et fait les bonnes rencontres.

Luc Besson aussi a eu une adolescence et une enfance assez difficile puisqu’il était mis dans un internat par ses parents séparés. Cela ne l’a pas empêché ensuite de réussir dans le cinéma. D’ailleurs notez que Luc Besson n’a jamais eu de formation de cinéma. Donc voyez qu’il n’y a pas forcément de lien entre le comportement possible turbulent d’un adolescent et son avenir plus tard.

On est dans un niveau professionnel. C’est une inquiétude bien entendu légitime de la part des parents. Il est certain qu’un retard scolaire ou une situation d’échec scolaire peuvent amener à une certaine hypothèque de l’avenir professionnel. Mais ce n’est pas une certitude à 100 %. Je suis d’accord qu’il vaut mieux un enfant, un adolescent avec de bons résultats scolaires ou son avenir professionnel sera probablement meilleur. Mais là encore ce n’est pas parce qu’un enfant est bon à l’école qu’il réussira sa vie professionnelle. Nous avons vu des cas  d’adolescents surdoués qui, au final, non pas vraiment réussit leur vie professionnelle. Donc il faut faire attention à ces associations de cause à effet. Ce n’est pas une garantie ce n’est pas une certitude.

Est-ce qu’un adolescent peut être influencé dans un milieu scolaire violent. C’est-à-dire qu’un adolescent tout à fait tranquille et calme peut devenir, dans ce contexte de violence, lui-même violent ?

Malheureusement on peut dire que les violences scolaires se multiplient et maintenant sont des courantes. Il est vrai que lorsque les échanges reposent sur un langage très dur, voire avec des mots très méchants ce qui était en dehors de ce type de langage peut-être conduit à adopter le même langage ne serait-ce que pour pouvoir être reconnu, être admis par le groupe. Il est évident par ailleurs qu’au sujet d’une agression, l’adolescent victime ne peut ne pas réagir pendant un certain temps. Mais au bout d’un certain moment il va se dire qu’il ne peut pas se laisser faire. Alors il est clair que la violence peut amener à la violence que l’injure peut amener l’injure.

Avec ce langage de plus en plus dur entre adolescents à l’école est-ce à dire que l’échec scolaire est bien plus fort qu’avant c’est-à-dire que qu’il y a 10 ans qu’il y a 20 ans ?

Ah oui incontestablement. Je crois que là il ne faut pas tourner autour du pot : si on additionne les violences verbales, la violence physique et la violence sexuelles, on attend même des records. Et peut-être même que ces violences sont devenues tellement des banalités qu’on s’en rend même plus compte. Elles ne sont plus identifiées en tant que telles. Parler durement, par exemple, n’est pas nécessairement quelque chose de violent ou de perçue comme telle. Il y a quand même ce phénomène qui est inquiétant parce que ce que l’on observe : les violences sont beaucoup plus radicales, les gens sont beaucoup plus violents en quelque sorte.

On sort facilement une arme aujourd’hui, par rapport il y a 20 ans en arrière par exemple. Les violences se rajeunissent. Elles concernent aujourd’hui des enfants là où ils étaient épargnés auparavant ou alors c’était plutôt exceptionnel. Et puis il y a aussi les violences féminines parmi les jeunes filles. La violence n’est plus l’apanage des garçons.

Comment expliquez-vous cette recrudescence de violence à l’école ?

Je crois que l’école n’est pas un sanctuaire. L’école reçoit de l’extérieur ce qui s’y développe notamment les violences qui sont partout dans notre société. Donc les comportements à l’extérieur l’école (comme la violence) sont aspirés pour s’immiscer dans les établissements scolaires. Elles ne s’arrêtent pas malheureusement au portillon des écoles.

Vous indiquez qu’il y a des bonnes réponses et les mauvaises réponses à la violence juvénile. Alors quelles sont-elles selon vous ?

Les mauvaises réponses, comme dans beaucoup d’autres domaines, c’est la répression, c’est le bâton que le ressort. Il est vrai qu’il y a de moins en moins de bâton parce qu’il y a de moins en moins de personnels pour les tenir donc la répression manque de bras. Et puis elle est inefficace, car la répression durcit l’état d’esprit de ceux sur laquelle elle s’exerce. Donc la punition en général, n’a jamais eu les vertus qu’on lui prête. Concernant la punition, il y a une excellente citation de Nietzsche qui dit à cet égard que la punition n’est jamais que la colère de celui qui est victime de la violence ou de l’agression. Donc cela veut dire, de façon générale, que la répression pour la répression a toujours été caractérisée par sa grande inefficacité.

Et je crois qu’aujourd’hui il faut inventer des solutions qui passent par la prise en compte de la souffrance de l’autre et surtout par la communication et le dialogue. Il faut mettre tous les protagonistes autour d’une table et trouver ensemble un contrat de bonne conduite. Pour aider à cela on peut penser que la présence de plus d’adultes dans l’établissement scolaire soit nécessaire, notamment dans les cours de récréation qui sont la première zone de non-droit en France. Donc il faut mettre davantage de présence humaine (des surveillants animateur, des surveillants…) qui fassent respecter une certaine discipline. Mais pour le moment, contenu des contraintes budgétaires, il ne semble pas qu’on aille dans cette direction.

Est-ce que cela pourrait passer aussi par la formation des enseignants pour faire face à la violence scolaire ?

Je pense que les enseignants font beaucoup de choses dans leur journée. Il faut savoir que le métier d’enseignant c’est aussi un métier de manager : un enseignant c’est quelqu’un qui doit gérer une classe, qui doit apprendre à connaître ses élèves. Et effectivement l’enseignant doit recevoir une formation dédiée pour faire face de façon appropriée aux violences qui peuvent se manifester. Il doit pouvoir reconnaître les incompatibilités des différents profils d’élèves. Cela suppose donc une formation à la psychologie, une formation à la connaissance des populations et bien entendu une formation à la connaissance des mécanismes de la violence scolaire et aux raisons qui conduisent à ces violences. Donc c’est tout un programme nouveau qu’il faudrait introduire évidemment.

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